Pour réaliser un panorama avec un appareil photo traditionnel (donc pas un smartphone), il existe plusieurs méthodes. La plus « facile » est de prendre une seule vue en ultra grand-angle et de supprimer le haut et le bas de l’image pour obtenir un format allongé. Il faut impérativement travailler avec un caillou de top qualité pour éviter les défauts inhérents à ce type d’optiques (déformations et aberrations sur des objectifs d’entrée de gamme).
Panorama réalisé au 14-24mm f/2.8 @18mm f/11, recadré au format 65/24 en gardant la pleine largeur.
Si l’on ne possède pas d’ultra grand angle performant, il nous reste la possibilité de réaliser des images de qualité en assemblant numériquement plusieurs vues faites avec un simple grand angle moins onéreux. Mais il faut prendre quelques précautions pour garder un niveau qualitatif élevé. Nous allons tester ces méthodes avec deux 28mm fixes, anciennes optiques manuelles, actuellement abordables en occasion.
Le matériel de base
Les deux méthodes se basent sur la réalisation de deux vues (ou plus, mais commençons tranquillement!), puis de leur assemblage sur un logiciel de retouche. Par rapport à la prise de vue en ultra grand-angle, l’instantanéité n’est plus de mise: si un mobile se déplace entre les clichés 1 et 2, on va au devant d’un erreur de raccord.
Pour bien réaliser les deux clichés de base, il y a quelques précautions à prendre:
- travailler en mode prise de vue manuelle (mode M), pour obtenir deux expositions identiques
- travailler sur trépied, pour garantir la stabilité et l’alignement
- positionner correctement l’appareil sur la tête rotative, pour éviter des erreurs de parallaxe
- ne pas lésiner sur la taille du chevauchement des deux images, pour faciliter le raccord des deux images.
Pour positionner précisément l’appareil sur la tête du trépied, nous utilisons une glissière permettant de déplacer le boîtier et l’optique sur les axes X et Y.
La correction de la parallaxe
Pour bien faire, il faut commencer par trouver le centre optique de l’objectif, car il est faux de croire (ça serait même fichtrement naïf en fait…) que la vis de fixation de votre boîtier correspond pile-poil au centre optique de votre objectif .
Voici donc une marche à suivre pour déterminer empiriquement où se situe ce centre optique. Commencez par vous munir d’un trépied solide, d’une tête rotative et d’une glissière vous permettant de séparer les déplacement de l’appareil sur les axes X et Y. Et pour vous simplifier la vie, travaillez avec une focale fixe, il y a moins de risque d’erreurs.
- régler le trépied pour que la planéité soit assurée (niveau à bulle) et que la tête puisse tourner de manière plane
- fixer l’appareil sur la réglette
- fixer la réglette sur la tête rotative.
- aligner l’axe optique sur l’axe de rotation
- trouver deux éléments qui s’alignent sur deux plans différents dans l’image (p.ex. un lampadaire avec le bord d’un bâtiment)
- faire pivoter la tête à gauche, puis à droite et vérifier que l’alignement est respecté
- si tel n’est pas le cas, il faut avancer ou reculer l’appareil sur l’axe de rotation pour le faire correspondre avec le centre optique de l’appareil et ainsi trouver l’alignement parfait.
On commence par ramener le point de pivotement sur l’axe optique. Puis on fait coïncider le centre optique et le point de pivotement.
Si tous les éléments sont centrés sur l’axe de rotation, des objets sur deux plans différents doivent avoir la même apparence, que l’on pivote l’appareil à gauche, à droite ou que l’on vise le centre.
a) méthode du pivotement sur le centre optique
Une fois que le centre optique et l’axe de rotation sont superposés/alignés, nous pouvons réaliser les images avec un 28mm fixe. Ce dernier à un angle de champ de 75°10′ qui est bien plus faible que les 100°20′ du 18mm (pour connaître l’angle de champ d’une optique, rendez-vous sur le simulateur de Nikon). En shootant une image à droite, puis une image à gauche en nous basant sur les limites obtenues par le 18mm, on va obtenir une zone de chevauchement suffisante pour monter les deux images.
On remarque sur ces deux prises de vues que la perspective est déformée. Il y a un point de fuite à gauche et à droite, comme lorsqu’on regarde un bâtiment depuis le bas. Pour corriger ce « défaut », nous allons utiliser un objectif à décentrement et mettre le plan de prise de vue parallèle au plan du sujet.
b) méthode du décentrement arrière
Découlant de la méthode a), l’idée ici est de réaliser deux images avec les contraintes suivantes:
- sans bouger le point de vue, c’est-à-dire sans bouger la lentille frontale de l’objectif
- sans faire pivoter l’appareil
- en gardant le plan du sujet et le plan de capture d’image parallèles, comme sur l’image au 18mm, pour éviter les points de fuite de la méthode précédente.
On peut arriver à produire ce type d’images grâce à deux particularités d’un objectif à décentrement: sa translation et son cercle d’image nette plus important .
En effet, les optiques à décentrement offrent un cercle d’image nette plus grand que la surface du capteur de notre appareil.
Pour réaliser notre panorama, on va faire translater l’objectif horizontalement (mouvement moins conventionnel que le vertical pour ce type d’objectifs).
De la sorte, on va aller récupérer de l’information dans les deux bords et enregistrer la quasi totalité du diamètre du cercle image.
A défaut de pouvoir facilement bloquer l’avant et déplacer l’arrière de l’appareil, nous allons ici aussi utiliser la glissière pour garder l’objectif en position: on ramène systématiquement l’axe optique sur l’axe de rotation.
En décentrant le boîtier à gauche ou à droite, on voit que l’on peut maintenir l’optique dans la même position.
Sur les deux images ci-dessus, on remarque premièrement l’absence de point de fuite, mais un assombrissement à l’extrême gauche et à l’extrême droite du plan: nous nous trouvons à la limite du cercle d’image nette.
L'assemblage dans Camera Raw
Passons maintenant à l’assemblage de nos images. A moins d’avoir des dons particuliers en montage et en alignement, le mieux est de laisser assembler le panorama par un logiciel. En l’occurence, nous utilisons Camera Raw, logiciel de développement d’images brutes se positionnant juste avant l’ouverture des vues dans Photoshop.
Commençons par les images de la méthode a). Il faut importer les deux fichiers dans le logiciel, puis sélectionner les deux images dans la colonne de miniatures. Dans le menu contextuel, choisir l’option « fusion panorama ». L’image s’aligne et se corrige alors automatiquement. L’avantage de ce procédé est de garder toutes les options de corrections d’un fichier raw une fois l’assemblage réalisé.
Résultats
28mm fixe
Dans le cas qui nous intéresse, il existe deux options de projection: sphérique ou perspective. La première garde l’aspect « fish-eye » de la prise de vue, alors que la deuxième option redresse les perspectives, mais selon un seul point de fuite. Pour rattraper la perspective « plane » et le haut de l’image, nous avons modifié la perspective horizontale et le recadrage via le menu « géométrie » dans Camera Raw.
Voici les deux images. Il subsiste une légère déformation en barillet sur l’image dont la perspective a été corrigée.
28mm à décentrement
Nous utilisons exactement la même marche à suivre pour assembler les vues obtenues avec l’optique à décentrement. Voici le résultat:
14-24mm à 18mm
L’image brute que nous avions mise en début d’article:
Analyse
Avec trois méthodes proposées, chacun a le choix de réaliser ses panoramas comme bon lui semble. Toutes les méthodes ont des avantages et des inconvénients, mais réalisées selon la marche à suivre présentée ci-dessus, des résultats corrects sont pratiquement assurés. Nous notons toutefois les informations suivantes pour chacune des méthodes:
- l’assemblage de plusieurs images donne forcément un fichier final plus grand, donc plus d’informations. L’image réalisée au 14-24mm donne un fichier natif plus petit.
Au niveau des défauts, les deux optiques de 28mm accusent leur âge. Le 28mm f/2.8 Ai date de 1979 et le 28mm f/3.5 PC utilisé de 1992, mais d’une conception plus ancienne, soit respectivement une trentaine et une quarantaine d’années. Ils ne sont pas piqués dans les bords, même en travaillant à f/8 et ils sont plus mous/moins définis de manière globale. La conception du 14-24mm f/2.8 date quant à elle de 2007. On note immédiatement que cette optique est constamment ortholinéaire de 14 à 24mm, qu’elle pique jusque dans les bords et qu’elle a une meilleure définition que les deux autres optiques.
Conclusion
En conclusion, nous pouvons dire ceci de chaque panorama/optique et les classer dans cet ordre:
- Pour le panorama au 14-24 @18mm: la méthode fait la part belle à l’instantanéité. Il n’y a pas de montage à faire, mais le fichier final est plus petit, car composé d’une seule image. L’image générale est globalement meilleure à tous points de vue.
Les optiques qui couvrent un angle de champ correspondant à une focale de 18mm sont chères, surtout si elles sont de bonne qualité. Le 14-24mm f/2.8 est proposé à 2000.- CHF. A l’heure actuelle, il n’y a plus de 18mm fixe proposé au catalogue (et l’ancienne version n’était pas la plus cotée qui soit). Nous pouvons nous rabattre sur trois zooms full-frame qui couvrent cette focale chez Nikon: le 17-35mm f/2.8 (3300.- CHF discontinu), le 16-35mm f/4 (1400.- CHF) et le 18-35mm f/3.5-4.5 (1000.- CHF discontinu) - Pour le panorama au 28mm fixe: intuitivement cette méthode aurait dû être la moins bonne des trois, car la correction de la perspective à réaliser sur les deux prises de vue aura tendance à détériorer la qualité de l’image finale dans les deux bords extérieurs, ceci dû à la déformation en trapèze nécessaire à la correction. Mais la bonne surprise est que cette focale de 28mm (dont la formule Ai-S serait meilleure que la Ai utilisée pour ce comparatif) pique relativement bien à f/8. Et le montage donne le plus grand fichier du comparatif, avec une légère déformation que l’on pourrait encore corriger. On trouve cet objectif aux alentours de 150.- CHF en occasion sur Ebay.
- Pour le panorama au 28mm à décentrement: c’est la méthode qui nous plaisait le mieux au départ, car elle alliait le grand fichier et l’absence de déformation à la prise de vue. Mais à l’arrivée, le décentrement maximal (11mm) sur cette optique de 30 ans pose des problèmes de netteté, de coma et d’assombrissement dans les bords. On trouve cette optique en occasion sur Ebay entre 400 et 500.- CHF, ce qui la positionne trop haut par rapport au prix et aux performance d’un 28mm fixe, malgré une conception plus récente.