Fil d'ariane

Anciens objectifs ultra-lumineux

A la lointaine époque de l’argentique, il fallait avoir dans sa besace en permanence un 35 ou un 50mm f/1.4 (« nifty fifty » comme disent les anglophones). Un objectif rapide, qui te permettait de sortir une photo à main levée dans quasiment n’importe quelle situation de lumière (catastrophique). Car à cette lointaine époque, les films rapides flirtaient avec les 800 ISO. Rarement plus. Moyennant un sur-développement, on pouvait gagner un stop, voir un et demi, mais c’était autant de grain qui s’ajoutait au tirage final…

Or maintenant, les appareils numériques modernes montent facilement jusqu’à 5000-6400 ISO pour une utilisation « dans les clous » sans ajouter un bruit monstrueux.
On devrait donc pouvoir sortir une image potable dans une situation de faible lumière avec un objectif f/4 sans avoir recours à un ultra-lumineux.

Défaut = avantage, ou avantage = défaut

Le corollaire à la très grande ouverture est une profondeur de champ toute riquiqui… Dans notre test, lorsque le 50mm est ouvert à f/1.4, avec distance de mise au point d’environ 50cm, on arrive à peine à 9mm de profondeur de champ (calculateur ici).

Malgré tout, ces vieux hyper-lumineux amènent un bokeh intéressant et c’est pour cette raison que l’on peut continuer à les utiliser à l’heure actuelle. Ceci est valable pour la photo comme pour la vidéo.

Tempus fugit

Pour ce test, on a pris deux Nikkor dont la conception date de plus de 40 ans. Comme le temps passe…

  1. Nikkor 35mm f/1.4 Ai-S (#490199, 77435 ex. fabr. 1981-2005)
  2. Nikkor 50mm f/1.4 Ai (#4740243, 913151ex. fabr. 1977-1981).

A pleine ouverture, ces optiques affichent leur âge: ils sont mous, nimbés, peu définis et pas très nets dans les bords. Mais n’oublions pas que ces optiques avaient pour but de pallier au manque de sensibilité des films de l’époque: il fallait sortir une image coûte que coûte. Elles étaient calculées au mieux pour être utiles dès la pleine ouverture tout en gardant un prix de vente abordable.

Par contre, dès qu’on les ferme d’un diaphragme, ces deux cailloux se comportent nettement mieux. Ci-dessous, les mêmes images à 100%, focus au centre et en bas à droite.

Hormis un peu (beaucoup) d’astigmatisme dans les bords, on note que les images sont déjà correctes à f/2. Le centre est net, le nimbé disparaît, tout comme la dérive chromatique au centre.

Bokeh en lumière naturelle

Nous avons réalisé la suite de ce comparatif en pleine nature (et en plein vent…), sur un trépied pour garantir une certaine continuité dans la prise de vue. La distance de mise au point du sujet est plus courte avec le 35mm qu’avec le 50.

Test du bokeh. Pas de grande surprise à la lecture de ces images: à pleine ouverture, l’image n’est pas super piquée au centre. Le flou d’arrière-plan est agréable à f/2. Un seul élément étonnant, c’est le résultat non linéaire du couple ouverture / temps de pose: f/1.4 et 1/5000s. correspond au couple f/2 et 1/2500s. Or l’image semble systématiquement plus sombre à pleine ouverture. C’est soit du à une différence de transmittance, soit une valeur de temps de pose incorrecte sur le D850.

Pour en être sûr, je teste à nouveau ce duo f/1.4 – f/2 sur le Z6ii avec chacun des objectifs, au flash dans le studio: 

On note clairement que les images à f/1.4 sont plus sombres (fort vignettage dans les coins). A mon sens, il y a un problème d’ouverture réelle par rapport à l’ouverture annoncée. Et ce pour les deux objectifs. Donc a priori pas de problème du côté du temps de pose réel du D850. 

Test en lumière artificielle

Wouah! super joli bokeh avec le 35mm à pleine ouverture! Dès qu’on ferme d’un cran, les lumières d’arrière-plan restent circulaires. Ceci est dû aux 9 lamelles qui composent son diaphragme, formant un cercle à toutes les ouvertures.

Pour le 50, c’est plus complexe: à pleine ouverture, on remarque une déformation « globuleuse » de l’arrière-plan qui s’atténue à f/2 et disparaît à f/2.8. Par contre, dès que le diaphragme est fermé d’un cran, on aperçoit nettement les 7 lamelles qui le composent. Dommage! Ce nombre de 7 lamelles a été conservé sur les 50mm Ai-S, sur les AF et AF-D. Il faut acheter un AF-S 50mm f/1.4 G de dernière génération (mais sans bague de diaphragme) pour avoir 9 lamelles. Ou alors essayer de trouver un Nikkor 50mm f/1.2 qui a 9 lamelles en Ai-S, mais qui est plus lourd (360g contre 255). Ou alors tenter un Noct-Nikkor 58mm f/1.2 Ai-S? Mais là c’est le porte-monnaie qui est plus léger…

Et maintenant? La montée en ISO

Pour comparer les anciens et le moderne, j’ajoute une troisième optique: un AF Nikkor 24-70mm f/4S qui couvre les deux focales précédentes. Et je fais des photos de nuit à main levée.

Image 1: avec les deux anciennes optiques

  • je fixe la sensibilité ISO à 800 (comme à la glorieuse époque du Superia 800)
  • j’ouvre en grand
  • je travaille avec un temps de pose inverse à la focale pour éviter le flou de bougé. Soit 1/60s pour le 50mm et 1/30s pour le 35mm
  • je fais la mise au point grâce à la visée à 100% dans l’œilleton du Z6, à l’ouverture sélectionnée (sinon c’est la galère!)

Image 2: Comme on la vu précédemment, ces optiques ne sont pas bonnes à f/1.4. Je leur donne une chance de régater en activant la stabilisation du capteur du Z6ii, en fermant d’un diaphragme (f/2) et en baissant le temps de pose d’une valeur.

Image 3: Pour l’optique moderne, je travaille dans les conditions actuelles: pleine ouverture (soit f/4), montée de la sensibilité et autofocus.

Voici pour le 35mm, puis les mêmes, zoomées à 100%.

Et pour le 50mm, puis les mêmes, zoomées à 100%

Pour les « vieux », on oublie clairement la pleine ouverture: c’est mou, c’est pas net-net et il y a de la dérive chromatique (bien visible sur le 35mm dans ces conditions, mais c’est aussi valable sur le 50). 

Par contre, bonne pioche à f/2 pour le 50mm. C’est relativement bien piqué, et la stabilisation du capteur efface l’éventuel flou de bougé.

Pour l’optique récente, rien à dire sur la qualité: c’est défini, contrasté et net partout (bon, on bosse à f/4 aussi…). Par contre, là où ça pêche, c’est sur le bruit à 8000 ISO. On dirait le grain du T-Max 1600. Brrrr! Sujet à traiter dans un prochain article.

En conclusion

On ne va pas y aller par quatre chemins: pour la photo « efficace », ces deux optiques sont dépassées. Elles font illusion lorsqu’on les utilise dans des conditions extrêmes avec un outil moderne qui offre des aides à la mise au point et qui peut stabiliser la prise de vue. Je n’aurais pas obtenu les mêmes résultats si j’avais fait l’entier du test au D850. Ces optiques proposent un joli bokeh à pleine ouverture, mais le diaphragme du 50mm manque de lamelles et le 35mm manque de tirage pour détacher le sujet du fond dès qu’on ferme.

En vidéo, elles ont par contre des arguments à faire valoir. Du caractère comme on dit. A voir peut-être dans un prochain sujet…

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